COMPLÉMENT RELATIVITÉ DE L’EUPHONIE


Sensibilité liée au lecteur

La sensibilité à l’égard des qualités euphoniques dans un texte littéraire n’est pas partagée par tous les lecteurs, qu’il s’agisse de l’effet désagréable induit par les cacophonies ou de l’effet produit par les homophonies positives. Certaines personnes ne soupçonnent même pas la présence de certaines cacophonies quasiment imprononçables. S’agit-il de modalités différentes de la lecture intérieure (subvolcalisante ou non)? S'agit-il de perception différente, moins musicale, plus cérébrale? D'autre part, il est difficile d'établir si la lecture intérieure repose sur la même sensibilité à l'euphonie que la lecture réelle ou encore l'audition résultant d'une lecture réalisée par un tiers.

Sensibilité liée à l'auteur

Les mêmes différences peuvent apparaître au niveau de l'écriture de la part des auteurs. Certains travailleront leur texte en fonction de l’euphonie (surtout en poésie par l'intermédiaire des règles prosodiques), d’autres ignoreront totalement cet aspect. La recherche de l’euphonie implique particulièrement une attitude d’artiste et une sensibilité musicale. Elle exige en outre un effort de distanciation par rapport au contenu sémantique, ce qui doit être le propre du créateur. Certains auteurs sont tellement impliqués, imprégnés par leur pensée, par leur idéalisme que la considération de leur texte sous un angle extérieur, et particulièrement sur le plan matériel des effets phoniques, leur paraît une impossibilité incongrue ou même un sacrilège. Ils considèrent l’activité littéraire comme une sorte de catharsis psychique irréductible à toute analyse et fixée dans sa forme définitive dès sa révélation. D’autres auteurs centreront leurs corrections uniquement sur le contenu sémantique ou la syntaxe car ils ont une conception purement sémiotique du langage plutôt qu'une conception musicale. Les créations des uns et des autres pour cela ne sont sans doute ni plus ni moins profondes ou superficielles, ni plus ni moins authentiques, ni plus ni moins justifiées, elle sont simplement différentes. Chaque auteur comme chaque lecteur choisit ce qu'il écrit, ce qu'il lit en fonction de sa conception, de sa perception individuelle. Il est néanmoins difficile en cas de déclamation d'éliminer l'aspect phonique. En effet, intervient dans ce cas une exigence minimale d'aisance élocutoire pour le déclamateur et de clarté sonore pour l'auditeur.

Sensibilité liée à l'écosystème de la langue

Les différentes langues, au niveau scriptural et lexical, ont pu témoigner d'une conception différente de l'euphonie et d'une sensibilité variable à son égard. Le grec ancien nous fournit l'exemple d'une langue où l'euphonie apparaît comme une préoccupation majeure notamment par les formes contractes, les crases, élisions, la règle de limitation concernant l'accent tonique, la règle des enclitiques...). Le primat de l'oralité pendant l'Antiquité et jusqu'à l'invention de l'imprimerie implique une grande importance de l'aspect phonique. C'est particulièrement le cas pour la poésie largement associée à la pratique déclamatoire.

Sensibilité liée au genre littéraire et au contenu

En dernier lieu, la perception de l'euphonie dépent du genre littéraire concerné. On conçoit que l'auteur ou le lecteur se trouvent dans des dispositions plus exigentes sur l'euphonie dans les genres littéraires de la poésie ou de la prose poétique et selon le type de contenu littéraire.