COMPLÉMENT EFFET CACOPHONIQUE


L’impression de cacophonie qu’engendrent certaines rencontres de phonèmes (notamment les cacophonies contiguës) pose un problème théorique dans la mesure où les mots, dans leur structure interne, peuvent comporter les mêmes rencontres de phonèmes sans que cela nous choque. Le meilleur exemple est sans doute la prononciation de la consonne géminée (en gras ci-dessous) dans un registre de langage très littéraire par rapport à la même rencontre au niveau d'une interface.

illimité

(gémination congruente) il lui dit (cacophonie consonantique directe)


Comment expliquer ce paradoxe?

On remarquera en premier lieu que les cacophonies les plus rudes (syllabiques, consonantiques, homovocaliques) internes aux mots sont relativement rares, cependant ce n’est là qu’une conformation spécifique à la langue française. On peut alléguer que les mots d’une langue ont été sélectionnés au cours du temps et que se sont imposées des rencontres particulièrement heureuses alors que les cacophonies sont des rencontres fortuites ne correspondant à aucune logique phonologique. Ce sont même ces rencontres internes qui communiquent aux mots leur charme spécifique. En second lieu, les mots nous sont connus de sorte que les rencontres phoniques dont ils sont constitués nous paraissent normales. Il est possible que nous considérions intuitivement l’interface entre les mots comme des points spécifiques du discours pour lesquels les rencontres phoniques sont ressenties différemment. En dernier lieu, on peut remarquer que certains mots peuvent être difficilement considérés comme euphoniques en dépit de leur conformation constitutive, par exemple les mots texte", rareté..., du moins dans un contexte poétique. Quoi qu’il en soit, l’effet dysphonique des interfaces entre mots ne paraît pas devoir être contesté.

Le problème apparaît plus délicat encore si l’on compare la langue française à d’autres langues. Les mots des langues slaves, par exemple, présentent couramment des polyconsonantismes quasiment imprononçables pour un organe vocal éduqué à une langue romane. Et ces associations consonantiques leur prêtent justement un charme spécifique. À l’inverse, certaines langues océaniennes accumulent les associations de voyelles. D’autres langues encore se complaisent dans le recours quasi-systématique aux diphtongues alors que nous considérons la netteté des phonèmes comme une qualité majeure dans notre langue. La notion de cacophonie ne peut donc se concevoir indépendamment de l’écosystème phonique que constitue la langue.

Néanmoins, par rapport au genre privilégié de l'écriture euphonique à tendance poétique ou esthétisante, nous pouvons conseiller l'évitement de mots peu esthétiques et par nature cacophoniques, souvent liés à un vocabulaire d'ordre pratique ou très commun. Morphologiquement, ces cacophonies intra-lexicales, très rares, concernent des mots comportant souvent le phonème x ou plusieurs s ou certains mots triconsonantiques...:

texte, souci, saucisson, expectorer, extirper, cécité, arc-bouter...

Certains cas particuliers de cacophonies vocaliques admettent dans le langage courant une dérogation qu'il est souvent difficile d'expliquer. Par exemple on dira:

Le onze du mois et non L'onze du mois

Le r est une consonne et non L'r est une consonne.

Il peut être admis et même conseillé dans ces cas de surajouter oralement un léger h aspiré aux mots concernés: *onze, *r.

Dans le cadre de l'écriture euphonique, on évitera tout simplement ces cas.