COMPLÉMENT CACOPHONIES:
HIÉRARCHIE, STATISTIQUE


Hiérarchie des cacophonies contiguës - Coefficient de cacophonisme

Les consonnes, pensons-nous, génèrent plus facilement des cacophonies que les voyelles, et surtout des cacophonies souvent plus graves. Quasiment toutes les homophonies consonantiques sur des syllabes en contact sont concernées. En revanche, plus rares sont les cacophonies vocaliques indirectes qui engendrent un effet négatif perceptible.

Il est important de discuter le degré de cacophonie que l’on peut tolérer dans un texte littéraire sans nuire à son euphonie générale. Il est en effet contre-productif de chasser des cacophonies légères si on en laisse de graves, l'inverse est beaucoup plus tolérable. À éviter prioritairement, les cas difficilement prononçables de consonnes se heurtant directement, en particulier les homoconsonantismes directs (il lui dit). Malheureusement, ces cas sont relativement courants et surtout il est difficile de trouver des solutions permettant de les éviter. De même, les homo-vocalismes (il a abandonné) et les cacophonies syllabiques (ma mallette) ne peuvent être tolérés. Moins sévères apparaissent les cacophonies hétéro-vocaliques (il a émis).

Contrairement à la tradition qui semble, pensons-nous, avoir réalisé une fixation exagérée sur les cacophonies vocaliques, nous considérons que les hétéro-vocaliques ne sont pas les cacophonies contiguës les plus rédhibitoires. S’il est vrai que certaines langues répugnent naturellement aux cacophonies vocaliques, ce qui se traduit par des modifications convenues selon la présence de voyelle ou de consonne, il paraît difficile d’en tirer une conclusion systématique car ces palliatifs sont limités.

Dans le cadre d'une appréciation quantitative de la fluidité relative à un texte, et pour fixer un degré de gravité à chaque type de cacophonie, nous proposons un coefficient de cacophonisme. Il se calcule à partir d'une pondération des variables. Par exemple, une dysphonie consonantique directe, jugée très dommageable, aura un indice discriminatoire de 4 alors qu'une cacophonie hétérovocalique aura un coefficient discriminatoire de 2. Les cacophonies ont été ainsi classées selon leur gravité grâce à cet indice, de la plus dommageable à la moins dommageable. La variable correspondant à une succession consonne-consonne a été rajoutée à la liste, néanmoins pondérée faiblement car les interfaces consonantiques, dans leur ensemble, influent sur la fluidité du texte.

consonantiques directes: 4
syllabiques: 4
homovocalique: 4
syllabe re: 4
consonantiques: 2
consonantiques de liaisons: 2
dispersée: 2
syntagme dépassant 29 syllabes: 2
hétérovocalique: 1,5
successions consonantiques:1
e post-accentuel suivi de eu 1
liaisons consécutives identiques: 1
e post-accentuels consécutifs: 1
cacophonies intra-lexicale: 1
aspirations erronées: 1 (pour une déclamation)
succession consonantique: 0,5
écho: 1

Ainsi, plus ce coefficient est élevé, plus le texte (ou sa déclamation) sont cacophoniques.

Son utilité consiste surtout à comparer des textes dans le cadre d'une application informatique. Ceci en supposant que ces textes seraient lus idoinement en respectant toutes les préconisations orales. Seuls les e post-accentuels consécutifs, c'est-à-dire très proches, sont pénalisés pour des raisons pratiques, mais leur nombre traduit bien les possibilités d'accumulation locale. Pour des raisons de difficulté technique, les échos, prévus dans le coefficient, n'ont pas été considérés.

Remarquons que ce coefficient mesure la valeur brute du cacophonisme sans préjuger si les interfaces prononcées sont correctes ou incorrectes. Ainsi ne sont pas pénalisés les cas suivants susceptibles de gommer parfois des cacophonies:

-élisions erratiques sur pluriels (e post-accentuel, liaison)
-absence d'aspirations sur voyelle aspirée

Coefficient de cacophonisme pour la prose et la poésie

Pour la prose (11163 interfaces portant sur 10 textes différents déclamées par 6 déclamateurs), nous trouvons les moyennes suivantes pour le coefficient de cacophonisme:
texte: 486 pour 1000 interfaces
déclamation: 464 pour 1000 interfaces
Influence de la déclamation: -22
Il apparaît donc un lissage réalisé instinctivement par le lecteur, essentiellement dû à l'évitement des terminaisons "re" post-accenntuelles (-52) et à l'évitement des dysphonies consonantiques (-48). En revanche, il apparaît une augmentation à la lecture des interfaces consonantiques (+33) (due à l'apocope des e) et des dysphonies hétérovocaliques (dû au non-respect de nombreuses liaisons). En poésie (10225 interfaces portant sur 7 textes différents lus par 9 déclamateurs), nous trouvons les moyennes suivantes pour le coefficient de cacophonisme:
texte: 382 pour 1000 interfaces
déclamation: 396 pour 1000 interfaces
Influence de la déclamation: 14
Il apparaît un degré de cacophonisme nettement plus faible que pour la prose au niveau du texte idéalement lu (382 au lieu de 486). Les contraintes prosodiques de la poésie ont donc un effet bénéfique sur la fluidité textuelle, notamment par la limitation des e post-accentuels et la prononciation systématique des liaisons. La diminution des cacophonies vocaliques en poésie apparaît relativement mineure par rapport à la prose.
En revanche, le lissage euphonique de la déclamation apparaît inexistant. Il apparaît même une diminution de l'euphonie (+14) due à l'inobservance des règles de la prosodie à l'oralité.

-variations du degré de cacophonisme en fonction des auteurs

En ce qui concerne les auteurs, pour les statistiques que nous avons réalisées sur ces 17 textes pour la prose, le coefficient de cacophonisme lié au texte (dans les conditions optimales théoriques de sa lecture) varie entre 381 et 565.
D'un déclamateur à l'autre, le lissage euphonique, rarement négatif, peut dépasser 100 points.