LE SAMOURAÏ

Poème épique de Claude Ferrandeix évoquant au Japon la méditation d’un samouraî avant son suicide par seppuku.


Kagi le samouraï" se promène insouciant.
Le jardin reposant" aux parfums capiteux
Rassérène son âme" attendrit son humeur.
Kagi le samouraï" aime les frondaisons.
D’un geste raffiné" doucement il écarte
Palmes abandonnées" folioles épanouies.
Les terribles dragons" ornant son katana
Semblent inoffensifs" caressés mollement
Par le souple hamon" tel cheveu de geisha.
La pointe acuminée" de son wakizashi
Sans les meurtrir effleure" azalées' magnolias.
Kagi le samouraï" divague indolemment.
D’un pas respectueux" il marche posément
Pour ne point abîmer" les fragiles parterres.
Les bambous creux' enfants" de la mousson féconde
Les hauts camphriers' fils" des rayons vivifiants
Sous leur bénéfique ombre" endorment ses tourments.
L’orchidée somptueuse" enchante son regard
Mais plus encor il aime" admirer' lumineuse
La délicate fleur" du subtil cerisier
Fleur élue du jardin" la seule parmi toutes
Qui prématurément" sur le sol agonise
Car le souffle vernal" avant sa fanaison
De la branche l’arrache" en sa jeunesse ardente.
Kagi le samouraï" aime la poésie.
Les haïkus charmants" reviennent à ses lèvres.
«Midi' soleil brillant" de l’or dans la feuillée
Minuit' lune luisant" l’argent dans la ramée»
«L’enfant tristement songe" au Paradis perdu»
«La mésange en pépiant" s’envole dans les cieux»
«Du ryûteki a note" au lointain s’amenuise»
«Les kami te saluent" tapis sous les rochers»
Dans cet agreste lieu" que le printemps fleurit
Plantes et animaux" paraissent enivrés
De félicité' liberté' vitalité.
Kagi le samouraï" aime calme et quiétude.
L’esprit du zen l’inspire" et le Bouddha l’exalte.
Sa pacifique main" ne semble avoir manié
Que théière et cuiller" sous la sacrée pagode.
L’esthète raffiné" s’éveille en son esprit
Car il est bushi noble" amoureux de Beauté.
Pourquoi ce matin clair" tant paraît-il heureux?
Vécût-il dans sa vie" plus magnifique jour?
Le voici devenu" ronin privé de maître.
Son esprit est léger" il ne montre en ses traits
Souci du lendemain" ni tourment des épreuves.
Lassé de cheminer" par les allées tranquilles
Voici qu’il se retire" en un sous-bois profond.
Rien ne semble frémir" au sein de la palmure.
Que fait-il en ce lieu" protégé des regards?

Devant les cerisiers" répandant leurs corolles
Kagi le samouraï" le ventre ouvert' s’effondre.

La Saga de l’Univers - Claude Fernandez - Éditions Sol’Air - © Éditions Sol’Air - 2007