LAKHAM HA

Poème épique de Claude Ferrandeix évoquant les ruines de la cité des Mayas; Palenque ou Lakham Ha.


Sur le vaste horizon" culminent ses terrasses
Fruits de l’arithmétique" et de l’astronomie
Problèmes ou pensées" calculs ou bien prières.

La marche s’élevant" énonce une addition
Le degré descendant signifie soustraction.
La rampe régulière" est affine fonction.
Les volées d’escaliers" de paliers en paliers
Gravissant les niveaux" ou plongeant vers les cryptes
Sont ensembles concrets" numéraux' cardinaux
De relatifs entiers" positifs' négatifs.
L’incertain pictogramme" est inconnue' variable
D’une équation multiple" insoluble formule.
Perforations' pertuis" l'embrasure ou bien l'ove
Spécifient nullité" la coquille évidée
Fondement et pivot" des valeurs infinies
Vicésimal système" exprimant les Réels.
Chaque pilier devient" perceptible unité.
La pyramide est somme" intégrale ou produit.

La tour-observatoire" élève aux nues son faîte.
Ses baies sont yeux mirant" Vénus et Jupiter.
C’est là que l’érudit" scrute' observe' étudie
Le croisement subtil" magique et hiératique
De l’exact eccliptique" et de la Voie lactée.
C’est là qu’il établit" positions' conjonctions
Des célestes objets" dans l’éther naviguant.
Les gnomons sont cadrans" qui rythment les saisons
De l’équinoxe égal" au solstice inégal
Définissant le cours" de l’Haab ou Tzolkin
Déterminant les tuns" les katuns millénaires
Calendriers des jours" néfastes ou propices.

Dessein mathématique' et but cosmographique
Jadis ont inspiré" dans leur gigantesque œuvre
Les concepteurs zélés" de cette architecture
Défiant pour le Futur" le Temps' les Éléments.

Dans ces lieux autrefois" se pressaient les fidèles
Mais aujourd’hui plus rien" de l’antique ferveur.
L’on ne déverse plus" dans les coupes sacrées
Le breuvage rituel" jus précieux du balché.
Plus de fumigations" purifiant l’atmosphère
Plus de macérations" transcendant la conscience.
Dans leur tunique rouge" imprégnée de roucou
Célébrants' officiants" plus ne chantent leurs hymnes
Plus ne scandent leurs pas" en danse incantatoire.
Fièrement arborant" le sceptre manikin
Les halach uinics' chefs" des factions totémiques
Ne se prosternent plus" devant les effigies.
Disparus' évanouis" les bataboobs' vassaux
Déposant les tribus" pour l’ajaw souverain
Tandis que scintillaient" aux rayons auroraux
Les gorgerins de jade" et diadèmes en jaize.
Balayés' dispersés" les amas des offrandes
Garnissant les autels" submergeant les tombeaux.
Plus aux bras de l’akhin" aux chevilles du prêtre
Ne tinte armille fine" ou lourd péricélide.
Plus maracas' tambours" ne résonnent au loin
Ni le son caverneux" des flûtes en roseau
Ni le chocs des merrains" sur l’os des apalones.
Plus ne s’élève aux cieux" le panache odorant
De la cassolette" embrasant le nopal.
Vers l’horizon' là-bas" les colonnes d’encens
Ne fusionnent plus" unissant les Mayas
Tel miroir azuré" des sacbés empierrés
De Chichen Itza' Yaxchilan' Tikal' Uxmal
D’Yaxuna' Kabah' Dzibilchaltun' Iximché.

Plus de roi' de guerriers" ni prêtres ni pontifes
Ni sacrificateurs" ni scarificateurs
Plus de colporteurs' coltineurs' appariteurs
Plus de célébrations" liturgies' traditions
Ni scribes ni clergé" ni foule et ni fidèles.
Statues et bas-reliefs" masques et rondes-bosses
Ne sont plus habités" par le mystique souffle.
Kinich Ahau' Soleil" Ixchel' déesse Lune
Gucumatz et Yum Kaz" le Seigneur des Forêts
Tous ont rejoint' déchus" l’infra-monde glacial.

Que peut-il persister" quand tout s’est évanoui
Que peut-il subsister" quand tout s’est englouti
Que peut-il perdurer" quand tout s’est désuni
Quand les défunts mortels" sont ossements blanchis
Quand les festivités" sont coutumes honnies
Quand les divinités" sont croyances bannies?
C’est alors qu’émergeant" du futile accident
Se dévoile à nos yeux" la primordiale Essence
Grandeur' Splendeur' monumentalité' Beauté’
Verticalité' Plénitude' Aspiration
Puissance' Orgueil' Énergie' Volonté' Patience
L’Idéal réifié' concrétisé' fixé.

Depuis que s’effaça" des humaines mémoires
Le souvenir ancien" de l’insigne sanctuaire
L’absence et le silence" ont recouvert ce lieu
Comme un linceul immense" invisible' immuable.
Nul savant' nul chercheur" et nul archéologue
Pour tirer' démêler" de l’étau végétal
Ces ruines effondrées" ces pans démantelés.
Nul docte épigraphiste" examinant les stèles
Pour déchiffrer le sens" de ces glyphes occultes.
Nul subtil exégète" éclairant' décryptant
L’ésotérique signe" et l’hermétique sigle.
Nul esthète jouissant" du spectacle sublime
Qu’offre à l’œil ébloui" ce vertigineux rêve.

Non loin de là' Cortez" ne songeant qu’à sa gloire
Bataillait dans la jungle" en avant de sa troupe...
Sans même apercevoir" ces merveilles enfouies.

La Saga de l’Univers - Claude Ferrandeix - livagora - © livagora - 2012