CONSTANTIN PORPHYROGÉNÈTE

Poème épique de Claude Ferrandeix évoquant la disgrâce et l’avènement difficile au trône de l’empereur Constantin Porphyrogénète à Byzance.


Mine sombre' œil éteint' visage douloureux
L’empereur supplanté" l’empereur évincé
Tristement se lamente" au fond de son palais.

*

«Je suis le prétendant" le seul fils légitime.
Je suis gênant écueil" aux viles ambitions.
La passion du pouvoir" au cœur de l’Homme ancrée
Change en férocité" civile urbanité.
L’on étudie comment" de la cour m’écarter
Sans devoir se rougir" les mains d’un noble sang.
N’oubliera-t-on bientôt" cette circonspection?
L’unique' ultime but" supprimer les rivaux
Briser' éliminer" les concurrents en lice
Par tout moyen possible" et par toute manœuvre.
Ce mets bien alléchant" me couchera peut-être
La sueur au visage" et la douleur au ventre.
Nul jusque là n’attente" à ma vie misérable.
Suis-je homme trop chétif" maladif' égrotant?
Pourquoi s’évertuer" à supprimer celui
Qu’une mort naturelle" emportera bientôt?
Me voici relégué" second basileus.
Moi' Porphyrogénète" empereur des Romains
J’envie le sort d’un chien" d’un vulgaire animal
Qu’une immonde pâtée" suffit à contenter
Puis' sommeille asosuvi" sur une couverture.

Survivre abandonné. Survivre toujours seul.
Ne jamais susciter" jalousies' convoitises
Ne jamais s’affirmer" demeurer silencieux.
Cacher mes émotions" masquer mes sentiments
Surtout ne pas montrer" mes rancœurs' mes griefs.

Je ne puis manier d’arme" ou lancer de légions
Mais l’étude assidue" remplace l’expérience.
La stratégie supplée" force et dextérité.
L’on brûle mes écrits" l’on brise mes calames.
Hors de moi l’on retire" images et ouvrages
Mais je garde un asile" où nul ici n’accède
Mon imagination" ma fidèle mémoire
Qui peuvent ériger" sans marbre ni tesselles
Féeriques palais" sublimes basiliques.
Je puis durant des mois" réciter sans faillir
Poème' essai' traité" que j’appris autrefois.
L’on a proscrit' banni" mes compagnons fidèles.
Qu’êtes-vous devenus" parents et confidents?
Ma tendre mère en pleurs" dut s’éloigner de moi.
Voilà qu’a disparu" mon ultime soutien.
Que vais-je devenir? Pourrai-je être empereur?
Je ne trouverai plus" semble-t-il aujourd’hui
Le bienfaiteur puissant" qui pourrait me sauver
Cependant je possède" un invincible appui.
Nul complot ne saurait" l’étouffer' le soumettre
Nul forfait ne pourrait" le réduire au silence
Car il est composé" d’innumérables âmes
Repoussant aussitôt" dès qu’elles sont fauchées.
C’est lui qui fait' défait" le renom des grands hommes
Qui fonde ou bien détruit" gloire et notoriété
Qui propose ou dépose" empereurs' patriarches.
C’est le souverain peuple" insoumis' indomptable.

Ne pas désespérer" ni gémir' ni pleurer.
Tenir' tenir' tenir" jusqu’au bout supporter
Les propos allusifs" les vexations mesquines.
Supporter' supporter" l’humiliation' l’affront
Supporter l’avanie" supporter les injures
Supporter' supporter" infamie' calomnie.

Le fils d’un paysan" venu de l’Arménie
Se trouve maintenant" premier parmi les Grecs.
Par hasard il devint" simple garde impérial
Puis chambellan' stratège' amiral' dragonaire.
Délation' trahison" de pourpre l’habillèrent
Mais il est torturé" par le remords tenace.
De cilice vêtu" psalmodiant il se traîne
D’église en monastère" ainsi qu’un pénitent.
Par son renoncement" Dieu l’inspire et lui dit
«Constantin deviendra" l’empereur des Romains»
Que le Seigneur clément" pardonne ses péchés.
Cinq de ses rejetons" nommés basileus
Guettent sournoisement" sa chute pour l’occire
Tous bâtards que promut" un vil usurpateur.
Le sort ne voulût point" que l’un d’eux prévalût.
Tel un homme égaré" dans une forêt noire
Soudainement perçoit" une orée lumineuse
Je vois d’un coup s’ouvrir" un glorieux avenir»

*

Brillant œil' port élégant" fier' vainqueur' altier
Sur le trône est assis" le nouvel empereur
Le savant empereur" et l’artiste empereur
Qui sait manier pinceau" calame comme épée.
C’est l’honneur de Byzance" et l’honneur des chrétiens.
Constantinople exulte" applaudissant le prince
Le digne souverain" de la cité grandiose.

La Saga de l’Univers - Claude Fernandez - Éditions Sol’Air - © Éditions Sol’Air - 2007